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une bien belle maison hantée

La maison hantée – Shirley Jackson

Une maison à l’histoire accidentée, des bruits étranges la nuit, des morts violentes et tragiques dans la maison ou ses jardins, des chasseurs de fantômes amateurs entourant un professeur fasciné par le paranormal, voici tous les ingrédients pour réussir un parfait roman gothique.

Dans La maison hantée, Shirley Jackson les a tous rassemblés, et a réalisé un plat fameux, goûteux et parfaitement séduisant.

Un premier résumé survolera les véritables enjeux de l’intrigue : le docteur Montague contacte plusieurs personnes qui ont vécu une expérience paranormale au cours de leur vie pour l’accompagner à Hill House, une maison que l’on dit hantée par des fantômes.

Sur la longue liste d’invités, seules deux femmes répondent présent : Théodora – dont on ne sait pas grand chose sinon qu’elle est une femme au fort caractère – et Eleanor, qui semble être tout l’opposé, une jeune femme que l’on imagine chétive, qui vient tout juste de perdre sa mère dont elle s’occupait depuis une dizaine d’années et qui vit une relation malsaine avec sa sœur et le mari de sa sœur, entre domination froide, infantilisation et humiliation. Eleanor voit dans l’invitation du docteur Montague un moyen d’échapper à cette vie insatisfaisante dans laquelle elle-même ne s’accorde aucune place.

Le petit groupe est complété par Luke, un des membres de la famille propriétaire de la maison, qui, un jour ou l’autre, en héritera. Mais Luke est le mouton noir de sa famille, on le dit voleur et pas vraiment respectueux du code de déontologie des gentlemen.

Les quatre personnages vont donc vivre quelques jours dans la maison, tous les sens aux aguets pour guetter la moindre manifestation paranormale, fournissant ainsi au docteur la matière pour son essai sur Hill House.

Il existe une tension permanente dans le livre, qui, parfois, confine au malaise. Nous sommes principalement aux côtés d’Eleanor, le personnage le plus sensible, et nous partageons ses hallucinations, jusqu’à entendre l’accélération de ses battements de cœur. Quand un bruit sourd martèle sa porte, on remonte les couvertures avec elle, quand elle voit son nom écrit sur un des murs de la maison, on sursaute avec elle.

Concrètement, il y a peu de passages horrifiques, ou véritablement effrayants. Le roman a été écrit en 1959 et, depuis, la littérature d’épouvante a connu plusieurs sommets. Mais plusieurs choses font de ce roman un des chefs d’œuvre du genre, et l’on comprend à sa lecture pourquoi Stehpen King lui-même en fait l’un des plus grands romans fantastiques du vingtième siècle (outre King, on apprend en lisant la quatrième de couverture de l’édition Rivages, que Donna Tartt estime que « les histoires de Shirley Jackson sont parmi les plus effrayantes qu’on ait jamais écrites »)

Finalement, La maison hantée raconte deux choses : la possession d’Eleanor, peu à peu aspirée par la maison, hantée par elle. Fragile, elle n’a pas la force qui maintient Theodora dans le réel, elle ne possède pas le recul scientifique qui protège le docteur Montague, elle ne cultive pas la dérision qui sauve Luke. Très vite, Eleanor sent que la maison l’appelle et souhaite la retenir. Et, puisqu’elle a quitté une vie peu confortable pour arriver ici, elle n’est pas décidée à repartir de cette maison.

La possession est d’abord une séduction. Hill House dévoile des charmes puis – puisque c’est insuffisant – tente de monter ses invités les uns contre les autres. D’abord fusionnelle, la relation entre Eleanor et Theodora se détériore. Eleanor sombre dans une espèce de paranoïa qui la pousse à penser que tous complotent contre elle, que tous la pensent incapable de tenir le coup. Seule la maison, paradoxalement, semble bienveillante à ses yeux.

Et si la maison a cette capacité de persuasion, c’est parce qu’elle est totalement humaine. C’est le second point important du roman. Hill House est un personnage à part entière du livre. Elle prend vie dans la façon dont ses invités en parle. Elle est humanisée car, sans cesse, on lui prête des comportements et des sentiments. Quand le docteur Montague retrace l’histoire de la maison, il la décrit comme un psychiatre décrit un de ses patients.

La langue anglaise aide certainement beaucoup pour caractériser cette maison. Car Hill House (la maison sur la colline) peut également s’entendre Ill House, la maison malade, la maison mauvaise. Ce n’est certainement pas un hasard.

« Quel adjectif utiliseriez-vous pour caractériser Hill House ? demanda Luke.

– Eh bien… dérangée, peut-être. Lépreuse. Malade. Tous les euphémismes courants que l’on emploie pour parler de la folie. Une maison détraquée, voilà un joli concept. »

La maison détraquée détraque également ceux qui l’habite, jouant sur le double mouvement de la hantise : ce qui nous hante habite notre corps ou notre esprit, en prend possession. Il nous reste deux choix : soit combattre cette hantise, soit y succomber. Qu’est-ce qui est le plus effrayant ? Résister, ou se laisser aller ?

Alexandre

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Shirley Jackson

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Mols et révisée par Fabienne Duvigneau

Rivages/Noir

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Chroniqueur

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