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Equipe des Petits Platons

Interview éditeur – Les petits Platons

En entendant le mot « philosophie », je ne pouvais que repenser à mes (pas si) lointains cours d’hypokhâgne, à ces livres poussiéreux et obscurs écrits par de ténébreux vieillards barbus, à ces dizaines d’heures de lecture nécessaires pour parvenir à finir un chapitre et au mal de crâne épouvantable que je me trainais en permanence. Pourtant, qui a dit que la pensée philosophique ne pouvait pas amener avec elle son lot de magie, d’images et d’histoires merveilleuses ? C’est le pari qu’a fait le créateur des Editions Les petits Platons pour ramener les jeunes générations à la réflexion des grands auteurs. Entre dessins colorés et adaptations toujours justes, la collection des Petits Platons consacre un ouvrage pour chaque penseur et a déjà été traduite dans de nombreuses langues.

Un Dernier Livre – Bonjour Jean-Paul Mongin. Vous êtes le fondateur des Editions Les petits Platons, dont l’objectif est de proposer la pensée philosophique des grands auteurs aux plus jeunes sous la forme de jolis contes illustrés. Pourriez-vous nous parler de votre projet ?

Jean-Paul Mongin Bonjour Marc. L’idée de la création de cette maison d’édition remonte à 2009, les premières parutions ont eu lieu en 2010 et nous voilà à maintenant plus d’une trentaine de tomes parus. Si vous voulez tout savoir, Les petits Platons sont nés dans ma cuisine. A la base, j’étais parti de l’idée que, certes, des livres de vulgarisation philosophique existaient pour les enfants, mais que dans leur globalité, il s’agissait de manuels simplifiés qui ne donnaient absolument pas envie aux enfants de s’intéresser à la pensée philosophique. Je ne voulais pas que des petits garçons et des petites filles de 10-12 ans se dégoutent immédiatement de la philosophie : il faut leur donner envie en transformant le propos et en le rendant attrayant. Pour cela, quoi de mieux qu’une histoire illustrée ? C’est d’ailleurs logique, puisque la majorité des philosophes utilisent des images et des métaphores pour appuyer leurs théories.

U.D.L. – Comment se décline le processus de création d’un Petit Platon ?

J-P.M. – C’est un processus bien plus long que ce que l’on pourrait imaginer. On commence bien évidemment par écrire le texte. Pour se lancer dans cette écriture, il faut une connaissance plus que solide de la doctrine du philosophe abordé. Dans un Petit Platon, l’objectif est de condenser toutes les thèses les plus importantes de l’auteur, et elles sont parfois nombreuses ! Pour Socrate par exemple, il a fallu quatre tomes pour espérer être (presque) exhaustif.

Marx
Tout en couleurs et en nuances, les Petits Platons sont joliment illustrés.

 

Une fois ce lourd travail effectué, il faut illustrer l’histoire qui a été écrite. Elle doit plaire aux enfants et pour cela il faut des dessins colorés, dans un style que nous essayons de faire correspondre avec l’origine géographique et la pensée du philosophe. Alors, arrive l’étape cruciale : le test ! Nous lisons le conte, le faisons lire à des enfants, écoutons leur avis, modifions en conséquence… Et une fois qu’il n’y a plus rien à redire, nous éditons ! C’est aussi simple que ça !

U.D.L. – Voilà qui est bien plus ludique que mes cours à la fac…

J-P.M. – C’est certain ! [Rires] Et d’ailleurs, si vous aimez un tant soit peu la philosophie, je ne peux que trop vous conseiller Les petits Platons : s’ils sont prévus pour les petits, les grands peuvent aussi les lire à profit ! C’est là un excellent moyen de s’initier à la réflexion sur des sujets complexes tout en douceur, d’aborder la doctrine des auteurs pour sa culture générale, de faire naître des questionnements dans les esprits… Et puis pourquoi pas s’en servir comme d’un support de cours, vous avez raison ! Tant qu’à faire, avant d’aborder un cours sur Freud, autant lire Le Professeur Freud parle aux poissons, notre livre qui lui est consacré, en guise d’introduction.

Le Professeur Freud parle aux poissons
“Le Professeur Freud parle aux poissons”, le livre que j’aurais sûrement dû me procurer avant d’étudier “L’interprétation du rêve” de ce cher Sigmund…

 

U.D.L. – Vous êtes vous-même le papa de plusieurs enfants, qui sont en quelque sorte des « Petits Platons » : quel rapport entretiennent-ils avec la collection ?

J-P.M. – Le plus âgé de mes enfants arrive à peu près à l’âge que je recommande pour aborder la collection, c’est-à-dire huit ou dix ans. Il commence à lire Les petits Platons, à son rythme, mais je ne l’y force pas. Je le laisse aborder la philosophie comme il le sent le mieux, en fonction de ses envies. Je pense que c’est la meilleure façon de penser cette collection : une fois que l’enfant a lu un premier livre, il faut attendre qu’il demande de lui-même une nouvelle « histoire de philosophe ». C’est comme cela que, sur le long terme, il va pouvoir envisager une proximité avec la philosophie et commencer à l’apprécier.

U.D.L. – Quels sont, à terme, les projets de la maison d’édition pour continuer à diffuser la pensée philosophique aux enfants ?

J-P.M. – Nous ne nous limitons pas à la simple collection Les petits Platons. Il y a d’autres chantiers en cours ici. Il faut savoir que l’équipe s’est agrandie depuis nos débuts : la maison d’édition emploie trois salariés en équivalent temps plein et nous recevons souvent des stagiaires qui étudient les métiers de l’édition. C’est grâce à ces collaborateurs que nous avons plus de temps et d’énergie à investir dans d’autres projets. Les plus visibles restent les « ateliers philo » que nous organisons dans les écoles, dans les médiathèques ou même à l’Odéon. Ce sont ceux qui écrivent Les petits Platons ou des membres de la maison d’édition qui les animent et c’est l’occasion de répondre aux questions des jeunes lecteurs sur les thématiques philosophiques abordées.

Equipe des Petits Platons
L’équipe des Petits Platons, qui s’est étoffée au fil des années.

 

U.D.L. – Et les adultes, ils ont le droit à des « Grands Platons » ou quelque chose du genre ?

J-P.M. – [Rires] Pas vraiment de « Grands Platons » pour l’instant, mais nous avons des concepts réservés aux parents et ceux qui veulent lire de la philosophie intelligible. Par exemple, nous avons mis en place Les Dialogues des petits Platons, un format plus « adulte », qui consiste en des entretiens avec des philosophes contemporains qui s’expriment sur leur doctrine. Nous donnons également des formations d’initiation à la philosophie pour les professeurs, quelle que soit la matière qu’ils enseignent : ce type d’enseignement les aide à aborder plus sereinement certaines notions interdisciplinaires avec leurs élèves.

U.D.L. – Vous vous êtes diversifiés ! Vous comptez vous étendre sur d’autres formats ?

J-P.M. – Oui, bien entendu, c’est nécessaire pour pouvoir toucher toute une classe d’âge. Il faut sortir la philosophie de ce carcan dans lequel on l’enferme : tout le monde peut aborder la pensée philosophique, pas que les « intellectuels » ! Nous avons déjà commencé en nous lançant dans la création d’audio-books, d’abord en CD, puis sur Internet. Quatre tomes des Petits Platons ont déjà été adaptés. Enfin, mon gros projet reste avant tout la réalisation d’un dessin animé Les petits Platons. C’est un projet coûteux, long, risqué, mais je suis convaincu que ce format aura pour effet de sensibiliser des enfants qui ne se seraient jamais approchés de la philosophique autrement. Et pour nous continuer dans cette lancée, il n’y pas que sur d’autres formats que nous souhaitons nous étendre, nous voulons aussi toucher d’autres pays.

Lao Tseu ou la Voie du Dragon
“Lao Tseu ou la Voie du Dragon”, l’une des dernières parutions de la maison d’édition.

 

U.D.L. – Vous misez donc sur la traduction de vos ouvrages ?

J-P.M. – Nous avons déjà vendu les droits des Petits Platons à une vingtaine d’éditeurs étrangers, qui les ont traduits dans autant de langues différentes. Il n’y a pas de raison qu’un enfant d’un autre pays ne s’intéresse pas à des auteurs qui sont, de toute façon, mondialement connus. J’entends par là que la pensée philosophique n’a pas de frontières : ce que Nietzsche a pensé en allemand est tout aussi valable une fois traduit en français. Je voyage même dans les pays où doivent être adaptés Les petits Platons pour discuter avec les enfants et avoir leur ressenti. Nos prochaines traductions seront très certainement le polonais et l’arabe. Je voudrais également traduire quelques tomes en latin et en grec ancien pour en faire des supports pour les enseignants au collège et au lycée, disponibles en e-books.

U.D.L. – Très diversifié, en effet ! Des détails à nous donner sur le prochain ouvrage à paraitre ?

J-P.M. – S’il n’y en avait qu’un ! [Rires] Je considère que je ne suis qu’à la moitié du projet colossal dans lequel je me suis embarqué. Il y a un peu plus d’une trentaine de titres à l’heure actuelle qui ont été édités, mais je pense qu’il en faudra au total un peu plus de soixante-dix pour bien résumer l’ensemble de la pensée philosophique, des présocratiques aux philosophes dits « modernes ». Mine de rien, ça en fait du monde ! En attendant, les prochains seront Les Démons de Dostoïevski, Ainsi parlait Friedrich Nietzsche, Le Trépied de Thalès, Galilée et les derviches tourneurs et pour finir Une journée d’Alexandre Soljenitsyne que j’ai moi-même écrit.

Jean-Paul Mongin
Jean-Paul Mongin, fondateur des Petits Platons et auteur de plusieurs des œuvres de la collection.

 

U.D.L. – Il est vrai que vous écrivez vous-même une partie de vos ouvrages.

J-P.M. – Effectivement. Ce n’est pas le cas pour tous, une journée n’a que vingt-quatre heures. [Rires] Mais c’est vrai que certains d’entre eux sont de moi, j’essaie de mettre en pratique ma formation en philosophie. Le tout premier ouvrage des Petits Platons, qui traite de la pensée de Descartes, c’est moi qui l’ai écrit par exemple. Je n’étais pas vraiment prédisposé à l’édition vous savez, puisque j’ai avant tout un master en philosophie. Au début, je voulais d’ailleurs rééditer simplement de vieux ouvrages philosophiques « de niche ». Et puis de fil en aiguille, me voilà sur un projet bien différent !

U.D.L. – Un beau projet, en tout cas. Merci Jean-Paul Mongin, je suis heureux d’avoir pu en discuter avec vous et je vous souhaite beaucoup de courage pour continuer à publier votre collection. J’espère lire un jour les soixante-dix tomes des Petits Platons, une fois qu’ils seront achevés.

En attendant, nous sommes impatients de voir à quoi ressemblera Les Démons de Dostoïevski, votre prochain ouvrage qui reprend les théories de l’un des plus grands auteurs russes de tous les temps.

Retrouvez les dernières nouvelles et les parutions des Editions Les Petits Platons sur la page Facebook de la maison d’édition et sur leur site internet.

À propos Marc Perrin

Chroniqueur

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