Un dernier livre avant la fin du monde WebZine Littéraire
Marius Loris avait précédemment produit deux livres de poésie publiés à l’Ateliers de l’agneau. Il revient cette fois-ci dans la collection Al Dante des éditions Les presses du réel sous le nom de Marius Loris Rodionoff. Le livre est d’ailleurs dédicacé à son grand-père Nicolas Rodionoff qui participa à des grèves militaires pour ne pas partir en Algérie. Dans Procès-Verbaux, il entremêle son travail d’historien et de poète. Explorant la justice durant la guerre d’Algérie, Marius Loris Rodionoff propose une restitution du fonctionnement de la justice pour les soldats.
Tous ces Procès-Verbaux sont fictifs pour une raison politique. En préface, le poète explique qu’il voulait faire un ready-made d’archives. Mais les dernières mesures concernant leurs diffusions l’en ont empêché. Ces mesures démontrent le tabou instauré à propos de la colonisation. L’autoritarisme des derniers gouvernements empêche de réfléchir l’histoire de France.
Mais Marius Loris Rodionoff réussit avec ces Procès-Verbaux à faire ressentir l’atmosphère judiciaire de la guerre d’Algérie. En cela, il se rapproche des poètes objectivistes dans un rapport direct au réel. Chaque récit raconte une exaction et la manière dont elle est expédiée par la justice.
Les textes sont composés de questions et de réponses et ne laissent pas beaucoup place à l’enquête et au dévoilement de la vérité. Tout repose sur la capacité de l’interrogé à répondre avec le plus d’adresse. Cette brutalité de la justice concerne surtout les plus opprimés. Le temps de la guerre n’est pas le même que celui d’une justice bien rendue.
Procès-Verbaux est le témoin d’un passé que la France ne cesse de vouloir masquer. Même par la fiction, le poète dévoile une réalité. Cet exercice poétique est l’autre facette des recherches d’historien de l’auteur. Une partie de son travail doit paraître aux Éditions du Seuil. Le mélange des deux efforts prouve le pouvoir de l’écriture.
Marius Loris Rodionoff se trouvant empêché, il produit une œuvre de fiction qui démontre une vérité historique. La censure est dépassée et le sens surgit. On approche le cœur d’un problème que les gouvernements successifs n’ont cessé d’obscurcir.
104p
Adrien
