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Mark SaFranko – Tout sauf Hollywood

Face à la fatalité programmée de notre existence, il y a bien des manières de tenter de sublimer notre passage sur cette planète. Rendre cette vie moins minable qu’elle ne peut l’être, cette raison biologique, naître, errer, mourir. L’espèce humaine n’a eu de cesse de tenter de toucher les cieux, de trouver une raison autre que le simple fait d’exister. Un but, une quintessence que l’on pourrait nommer en lettre capitale sur la poupe de notre navire « odyssée ». Mais l’Histoire ne retient que ceux qui auront su briller par leurs actes. Une évolution anthropocentré pour la plupart du temps, rendant la vie plus acceptable, plus belle et signifiante.

Mais quid de celles et ceux qui s’échinent toutes leurs vies et échouent. Ces loosers magnifiques qui échecs après échecs continuent de tenter de donner un sens à leur passage sur Terre. Un entêtement pour lutter et qui invariablement fini par échouer, comme le décrit parfaitement Thomas Pynchon dans son roman « V » : « …et il semblait bien que c’était aller nulle part, pourtant il en est parmi nous qui ne vont nulle part, mais qui peuvent se monter la tête au point de croire qu’ils sont quelque part : c’est une espèce de talent, et rarement contesté, mais à ce titre même, sujet à caution. »

Max Zajack est de cette trempe. En perpétuelle lutte avec lui-même, mais aussi en se confrontant aux dictas, entre autres, des éditeurs, et surtout des aléas de la vie. Cet anti-héros, par nature, s’impose comme la figure tutélaire de l’anticonformisme qui échoue bien malgré-lui. Et nous commençons à le connaître. Figure récurrente de l’œuvre de Mark SaFranko, nous avions pu croiser sa route dès 2009 grâce aux regrettées éditions 13e Notes, avec l’incontournable « Putain d’Olivia » (qui fut réédité en 2019 par les éditions La Dragonne, s’offrant au passage une préface luxueuse de Dan Fante et une nouvelle traduction par Annie Brun). Une première rencontre qui connut un succès aussi bien critique que public, permettant à 13e notes de nous offrir trois autres romans avec Max ( à savoir « Confessions d’un Loser », « Dieu bénisse l’Amérique » et travaux forcés). Mais Max n’avait pas fait le tour de ses aventures, et nous pouvons enfin découvrir un nouveau roman sobrement intitulé «  Tout sauf Hollywood »

Cette fois-ci, nous assistons aux déboires de notre auteur maudit préféré, avec l’univers du théâtre et du cinéma. Une nouvelle obsession qui naît d’une jalousie envers une ancienne connaissance devenue acteur et cartonnant à la télévision. Mais comme nous le savons, Max Zajack reste avant tout un auteur, bien malgré-lui dirons-nous. Ainsi l’ombre de Dostoïeski, tout comme celle d’Henry Miller le colle aux basques et savent lui rappeler sa nature profonde.

« Je me suis mis à ruminer. J’avais trente-quatre ans et rien à mon actif. Ça faisait treize ou quatorze ans que j’écrivais, et j’avais tout essayé – des pièces, des romans, des nouvelles, de la musique. J’avais même été reporter professionnel pendant deux ans pour des quotidiens et pour un magazine régional, mais j’étais nul comme journaliste parce que je me foutais totalement de ce qui se passait dans le monde. À vrai dire toutes mes tentatives avaient foiré. »

Max Zajack n’est pas l’alter-ego de Mark SaFranko. Bien qu’ayant en commun un parcours d’écrivain, musicien, auteur de pièce de théâtre et acteur, la ressemblance s’arrête ici. En revanche, nous pouvons constater des points communs comme autant de réalités et de vécus que l’auteur se serre pour donner corps à Max Zajack.

Ainsi en inscrivant son protagoniste dans un récit au plus proche du réel, et tout en restant dans une simplicité de style et une économie de mots, Mark SaFranko arrive à prendre aux tripes et nous plonger dans le texte avec force. Comme nous avions pu le voir avec ses précédents textes, il y a ce même sens de l’urgence que Bukowki. Leurs écritures et univers ne se ressemblent pas, bien entendu, mais nous pouvons constater à la lecture de ce « Tout sauf Hollywood », que Mark SaFranko “parle la même langue” que l’auteur de Factotum.

Ce cinquième tome des aventures de Max ZaJack est réussi, rempli d’humour, de digression, et d’une certaine forme de résignation mélancolique, ce qui donne un roman exaltant.Mark SaFranko, tout en continuant à évoluer dans son écriture et son style, sait aussi se souvenir de l’essentiel, de sa vérité et de sa vision du monde, pour l’inscrire roman après roman et offrir aux lecteurs quelques moments savoureux à la lecture des aventures de son protagoniste.

« Tout sauf Hollywood », ne nécessite pas la lecture des précédents tomes, vous pouvez totalement démarrer avec celui-ci.

Médiapop Éditions,
Trad. Annie Brun,
285 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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