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Max Porter – La mort de Francis Bacon

Il y a trente ans, mourait le peintre Francis Bacon. Génie des mouvements naissant du début un siècle, il se détache de l’ abstrait pour donner une touche plus figurative, sombre et torturé à ses œuvres. Il fut un temps comparé à Picasso, comme étant un Pablo de seconde main, mais très vite ses triptyques vont marquer la différence. Ainsi, partant du vers d’Eschyle «  L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux », le peintre va imposer son style, ses corps difformes, ses visages effacés ou encore ses mise en scène quasis surréalistes. Il finit ses jours à Madrid, et sa mort demeure une énigme. Pourquoi Madrid, que s’est-il passé, etc… D’ailleurs, je vous invite vivement à regarder le documentaire d’Arte « L’énigme Francis Bacon », il donne un contexte assez complet autour du peintre et ses œuvres et offre ainsi une dimension beaucoup plus profonde au texte de Max Porter.

Ceci étant dit, plongeons nous dans le sujet de l’article. Max Porter après nous avoir sublimé avec ses deux précédents romans (La douleur porte un costume de plumes & Lanny), revient à l’occasion des trente ans de la mort du peintre avec un nouveau texte, assez court mais dense.

«  Est-ce moi qui ai dessiné ça ?

Cadre ou lit, le trou pourrait être une fenêtre, la chair pourrait être plate, personne ne regarde,

un corps prostré,
                                 un autre la veille. »

S’articulant autour d’une esquisse et de sept toiles, « La mort de Francis Bacon » revient sur les derniers jours de l’artiste, le mystère de sa fin de vie devenant un terrain spéculatif à qui veut tenter de comprendre, ou ici d’offrir en prose un hommage.

Une esquisse et sept toiles qui ne nous serons pas montrées, ici les œuvres se veulent mentales, se construisant entre ce que nous connaissons du monde de Francis Bacon et ce que nous dévoile Max Porter au gré des pages. Et c’est là que nous plongeons.

L’écriture de Max Porter, sa prose encore plus poétique et expérimentale que par le passé, mais aussi plus fine et en retenu, que ce qu’il avait pu faire pour Lanny par exemple, esquisse, peint, explore et révèle un portrait tout en ambiguïté du peintre. Ici, la poésie se veut quasi clinique, s’enchaînant sur des monologues, entrecoupés de dialogues, alternant entre nécessité de l’instant, les envies du moment et des digressions quasi intime.

« Il est extraordinairement plaisant de e pas avoir à commander ni à me lever, tout est servi à l’instant où j’y songe et cela compense un peu mon embarras à l’idée que Capelo se trouve si près d’ici, sans compter que je pense avoir toujours eu la certitude que je finirais assassiné, égorgé ou étranglé dans une ruelle aux abords de Frith Street. »

Une plongée qui en devient personnelle, à travers ses tableaux, et la narration de Max Porter nous devinons le peintre, nous conceptualisons ses sept portraits et petit à petit un univers se dessine, jouant sur l’ambivalence que représentait Francis Bacon. Bon vivant torturé, fêtard marqué jusqu’au plus profond de lui-même par la guerre, exubérant timide, peintre, mais mauvais dessinateur, une forme de collision qui oppose sans cesse les facettes du peintre.

Max Porter avec « La mort de Francis Bacon » arrive à proposer une œuvre singulière autant hommage que passionnante expérimentation narrative, imposant au lecteur une implication des ressentis et des images qui s’impose à l’esprit. Bien que court, le texte foisonne à chaque instant d’une démesure grandiose et propose, in fine, un tout passionnant et fort.

Un tour de force que l’on ne peut qu’admirer, magnifiquement traduit par Charles Recoursé, une curiosité à lire et relire, un texte à tiroir dense et d’une maîtrise remarquable.

Éditions du Seuil,
Trad. Charles Recoursé,
80 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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