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Le retour à la terre – Aaron Cometbus

Aaron Cometbus est sûrement l’écrivain inconnu le plus connu d’Amérique du nord. Auteur et éditeur de fanzine, il publie chaque année un numéro de Cometbus, son fanzine édité depuis 1981 et distribué aujourd’hui à plus de 10 000 exemplaires dans le monde entier. Son œuvre protéiforme est pour l’instant relativement inconnu en France, cantonné à la mouvance punk et Do It Yourself.
Afin de le faire découvrir, deux éditeurs s’attellent à la traduction et à la publication de ses fanzines : Tahin Party, avec la publication de Un bestiaire de bouquinistes (2020) et de En Chine avec Green Day (2021) et Demain les flammes, avec la sortie de Double Duce (2020), Le retour à la terre (2020)…

Le retour à la terre relève du genre de l’histoire orale, un genre plus habituel aux états-unis qu’en France. Partant d’une problématique, l’auteur/enquêteur questionne un panel d’individus et nous livre l’interview sans analyse ni commentaires. Une parole nue, délivrée directement par les concerné.es. Le but est généralement de recueillir des des informations à partir de différents points de vue dont la plupart ne peuvent être trouvés dans les sources écrites.

Entre les années 1960 et le milieu des années 1970 se déroule aux états-unis un mouvement dit de « retour à la terre ». Partant massivement des villes, nombreux sont les personnes ayant tenté l’expérience de l’autogestion à la campagne. Hippies, Rednecks, militants politiques contre la guerre au Vietnam… Les motivations sont nombreuses et les modes de vies fort différents d’un lieu à un autre.
Aaron Cometbus a interrogé autour de lui les personnes ayant tenté ce « retour à la terre » ou l’ayant vécu enfant, afin de comprendre pourquoi « retourner à la terre » et qu’est-ce qui « fait communauté » ?

Qu’est-ce qu’il n’aimait pas en ville ?

Les gens, j’imagine, tout simplement. Peut-être était-ce le contexte des années 1970… Il pensait : « Merde, je veux juste faire les choses par moi-même. » tu sais, être autosuffisant, faire pousser de la marijuana, échapper aux impôts, ou que sais-je encore. Je ne sais pas si c’est l’argent qui l’a poussé à s’éloigner de la ville, ou la société, les gens, l’agitation urbaine.Ma sœur, par contre, venait d’entrer au lycée. elle faisait l’école buissonnière pour aller à la plage et avait des tonnes d’amis.
Sa vie d’ado était agréable, puis bam, elle s’est retrouvée perchée en haut de la montagne, perdue au milieu de nulle part.


Fuir la ville, réinventer d’autres manières de vivre ensemble, devenir propriétaire de son terrain et y tenter l’autosuffisance, retrouver un lien avec la nature… Autant de raisons invoqués pour expliquer ce retour à la terre. Mais la réalité est bien souvent plus sombre. Entre consommation et vente de drogues, spiritualités et survie, nombreux sont celles et ceux qui déchantèrent quelques temps après. La cohabitation avec des cultures et des groupes très différents n’est pas sans heurts, et les conditions climatiques parfois rude envenime les conflits.

Est-ce que le fait d’être de petits fermiers vous a permis de dépasser les barrières sociales et culturelles, de vous entendre avec d’autres familles d’exploitants qui avaient des cultures « normales » ?
Là-bas, il n’y a aucune culture normale. Les autres fermiers sont des propriétaires de ranch, des éleveurs. Le coin donne l’impression d’abonder en rednecks sans qu’il y ait beaucoup de fermes. Il n’y a rien que des rednecks en caravane qui détestent les hippies alors qu’ils vivent comme eux. Les bikers étaient les seuls qui connaissaient toutes les factions, des rednecks aux hippies en passant par les autochtones.

En une dizaine d’interview, Aaron Cometbus nous raconte, avec les mots de personnes au vécu et au parcours fort différents, une expérience et une recherche relativement répandue, celle du « retour à la terre ». Traversant les ages et les générations, cette quête interroge sur nos besoins d’utopies et sur la transmission des expériences de vie.

Le retour à la terre est un court livre, d’une grande beauté, qui questionne sans jugement et avec beaucoup de tendresse un phénomène intemporel.

Est-ce que des gens entretiennent certaines illusions ? Ou font les mêmes erreurs ?

Oui. Les gens croient qu’ils vont coudre des vêtements et en vivre, ou vendre en ville des bijoux qu’ils fabriquent. Peut-être suis-je découragée, mais je ne pense pas que cela fonctionne. Ou alors très rarement. Cela peut marcher pendant un an, puis tu te retrouves à court d’argent. Il y a la taxe foncière, les impôts locaux, la sécu… Surtout si tu as des enfants. L’essence, l’entretien de la voiture. Et c’est cher.
Les gens que j’ai rencontrées sont trop vague sur la façon dont ils vont gagner leur vie. Une fois de plus je peux avoir un regard biaisé par ce que mes parents m’ont inculqué. Du genre «  Tu ne peux pas vivre de cette activité, il faut faire partie de la société », etc.
J’ai donc toujours été inquiète au sujet de l’argent. Alors que d’autres ne s’en soucient pas.

Certains ont des parents riches.
(Rires.)

Aaron Cometbus, Le retour à la terre
Demain les flammes & Noeuds éditions
Trad. Nathan Golshem
122 p.

À propos Paco

Chroniqueur

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