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Tommi Parrish Du mensonge

Tommi Parrish- Du mensonge

Les mensonges sont polymorphes: ils peuvent se glisser au travers d’un non-dit, alourdissent des faits à moitié avoués, se dressent lorsque l’on veut se protéger de nous-même ou d’autrui, face à un reflet intime ou un jugement anonyme, se faufilent dans l’imagination et floutent la réalité. Dans Du Mensonge, Tommi Parrish entrechoque deux amis d’enfance qui se sont perdu de vue par la force des choses et du temps, puis qui se re-croisent et se racontent.
Cette jeune artiste-auteure australienne installée à Montréal s’exprime aussi bien à travers la sculpture, la peinture que la bande-dessinée. Affirmant son identité queer, elle s’interroge sur la non-hétéronormisation, l’identité sexuelle et la non-conventionnalité individuelle, vécues et assumées mais aussi critiquées.

Tommi Parrish Du mensonge

Cleary est caissière dans un supermarché, elle bipe, bipe et tombe sur Tim qu’elle n’a pas vu depuis plusieurs années. Ne lui laissant pas l’occasion de se défiler par un habituel “On se voit bientôt”, ils se retrouvent à l’arrière du magasin pour picoler une bouteille de rouge qu’elle a piquée et se raconter leurs vies. Au fur et à mesure que la soirée avance et que l’alcool monte, les langues se délient et la vérité resurgit; erreurs du passé aux répercussions encore présentes, remords et anciennes aventures refont surface, aidés par la fatigue et l’enchaînement des verres. Cleary et Tim se remémorent leurs amis communs, les amours qui les ont marqué, ceux qui ont été tus, cachés. Les mensonges s’étiolent dans un bar plein à craquer, la vérité s’inscrit sur les murs des WC et se perd dans les méandres des discussions nocturnes.

En parallèle de cette épopée insomniaque se déroule celle racontée dans un livre trouvé par Cleary: Avoir un pied dedans ne veut pas dire comprendre, par Blumf McQueen, commençant par “Ce livre est un hommage à l’amour pur, inconditionnel, éternel.” Tommi Parrish y dessine l’histoire passagère entre une strip teaseuse et un homme marié, une histoire de plus qui se termine sans couleur mais qui pourtant apporte une dimension de plus au récit global. A la manière d’une chaine silencieuse, ce livre passe de main en main, trouvé et transmis au hasard et déclenchant potentiellement une prise de conscience ou une libération.
Cette narration ajoutée apporte une respiration par son aspect graphique: en noir et blanc, composée d’une image pleine page en face de laquelle se déroule le texte, un peu à la manière d’un livre pour enfant ou d’un album photo, elle apporte un aspect moins frénétique que le reste de Du Mensonge. Avoir un pieds dedans ne veut pas dire comprendre est en quelque sorte une confession intimiste plus froide et assumée qui contraste avec la soirée de Cleary et Tim, qui eux font leurs aveux difficilement au milieu des éclats de rires et des discussions alcoolisées.

Tommi Parrish Du mensonge Tommi Parrish Du mensonge

Tommi Parrisch couche sur papier les liens qui unissent les gens entre eux ainsi que leurs altercations avec leur sexualité et la vie, leurs conflits individuels et la société. En dessinant des personnages imposants aux styles vestimentaires ou capillaires “punk” ou du moins alternatifs, elle floute les codes binaires préconçus. Ainsi, une fille peut très bien avoir la tête rasée et un homme porter des talons. Chacun s’approprie des éléments qui lui plaise sans se soucier du qu’en dira t’on; ce sont tout simplement des être humains avec leurs peines de coeur, leur amour débordant, leurs attirances et leurs espoirs.

L’auteure a un style bien a elle, très coloré et aux formes mouvantes. S’inspirant notamment du talentueux Brecht Evens, Tommi Parrish ose la superposition des aplats et la distorsion aléatoire des corps en fonction de leur ressenti ou leur environnement. Du Mensonge déborde des cases et force le narrateur à se plier à un rythme de lecture inhabituel, poussant au questionnement de l’évolution de nos moeurs actuelles et la place du Je, son épanouissement propre au sein d’une vérité personnelle face à une société de plus en plus étriquée et conformiste.

Tommi Parrish Du mensonge

128 pages
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adel Tincelin
Editions Cambourakis
Collection Sorcière
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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