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J.G Ballard – Sauvagerie

ballard-sauvagerieHé! Psst! Ça te dirait un shot? Injection à travers la pupille, ça fuse jusqu’au cerveau, tu vas voir, effet garanti…

Pangbourne Village est un quartier résidentiel de luxe à côté de Reading, dans la grande banlieue londonienne. Ultra-sécurisée, dix familles y vivent en toute quiétude avec leurs enfants. PDG, médecins, banquiers, artistes… la crème de la société anglaise s’y retrouve en tranquille autarcie, coupée du monde, entre travail, club de bridge et devoirs des enfants.
Pourtant, malgré les gardes privés, les chiens et les caméras de surveillance, un beau matin tous les adultes sont retrouvés sauvagement assassinés, et les enfants, entre 8 et 17 ans, enlevés.
Deux mois plus tard l’enquête piétine et les enlèvements ne sont toujours pas revendiqués. Dépassés, les enquêteurs se tournent vers le Dr. Greville, psychiatre, qui a notamment travaillé sur le massacre de Hungerford. En se basant sur les maigres indices laissés par les tueurs, d’intuition en déduction, il reconstruira le fil de cette journée et percera le mystère de cette tuerie ignoble, froide et méticuleuse.

« Les chiens et les caméras tiennent les gens à l’écart, mais ils les bouclent aussi chez eux. »

Armé de la liste des coupables probables et idéaux, le Dr. Greville se rend donc à Pangbourne Village pour compulser les rares indices et s’imprégner de l’ambiance des lieux. Il rejoint sur place le sergent Payne, de la police de Reading qui passe ses journées à retenir la curiosité morbide des badauds venus se divertir. Flic cynique, il fait visiter au psychiatre le paradis sécuritaire dans lequel s’étaient épanouies les dix familles et les treize enfants. Car qu’y faire d’autres? Échiquiers, classiques de la littérature et du cinéma, clubs de sports privés, écoles privés domestiques et piscine: tout pour le développement d’une vie familiale parfaite et l’épanouissement des enfants, dans une unité sociale rêvée. Et puis pas d’imprévus, pas de surprises, une clôture avec alarme entoure le lotissement, la vidéo-surveillance est en circuit fermé, accessible depuis chaque maison. Il faut prendre rendez-vous pour rendre visite à un habitant.
Et tandis que le Dr. Greville oscille entre admiration et gêne devant cet enfermement social, le sergent Payne va le guider jusqu’au pays derrière-l’arc-en-ciel-sécurisé.

« Ça c’est une chose qu’on peut dire à propos de Pangbourne Village. Tout est très sensé…et très, très civilisé. »

Non. Je résisterai et ne te spoilerai pas la résolution du mystère. Mais sache, lectrice, lecteur, que l’essentiel du bouquin n’est pas là. Il est même fort probable que tu aies déjà ton idée sur la question, et tu as sûrement raison. Non, ce que nous montre Ballard dans ce court roman ce sont les dérives de l’ultra-sécuritaire et la propension de ses concitoyens britanniques, mondialement partagée, à se complaire dans la ségrégation sociale et la mise sous contrôle de la société (en expansion lors des années thatchériennes dont date ce texte): les riches d’un côté du périph’, les ultra-riches derrière la clôture protectrice et les pauvres, plus loin, encore un peu plus loin. Car quel développement attendre dans ces conditions? Des adultes qui se complaisent dans un quotidien normé quelque peu paranoïaque. Des parents tellement dévoués à leur progéniture que celle-ci n’a plus aucune marge de manœuvre, plus de liberté, plus de spontanéité, plus d’erreurs. Des enfants élevés dans un monde aseptisé, entre école privée et lotissement fermé. Pas d’ouverture sur le monde, une surveillance constante, de leurs parents, des parents des autres, des gardes. Des loisirs tout ce qu’il y a de plus intelligents, sensés et pédagogiques, bien évidemment contrôlés, sans ennui ni oisiveté. Tous prêts à devenir de futurs zombies dans une société toujours plus individualiste, isolationniste et exclusive.
À moins que…
Alors si tu as une heure à gagner dans ta vie, lectrice, lecteur, lis Sauvagerie, de Ballard. Tu ne le regretteras pas. Du moins pour la force et le talent de l’auteur. Pour ce qui est des conséquences sur ton rapport au monde, Un dernier livre avant la fin du monde décline toute responsabilité.

Tristram souple,
86 pages
Marcelline

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À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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