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Gabrielle Filteau-Chiba – Encabanée

Depuis quelques mois, les éditions Le Mot et le reste s’intéressent de très près à la littérature québécoise. Eux qui ont assis leur notoriété éditoriale grâce à leurs livres sur la musique aussi passionnants qu’érudits semblent également constituer un catalogue québécois cohérent et fascinant. Dernière parution : Encabanée, de Gabrielle Filteau-Chiba, le très court récit d’une femme tournant le dos à l’agitation humaine de Montréal et s’installant dans une cabane isolée au fond des bois, du côté de Kamouraska.

« Les plus belles saisons de ma vie ont commencé ici, à créer en ce lieu un îlot propre à mes valeurs. Simplicité, autonomie, respect de la nature. Le temps de méditer sur ce qui compte vraiment. Le temps que la symphonie des prédateurs, la nuit, laisse place à l’émerveillement. »

Voici, en quelque sorte, la profession de foi de l’autrice – Encabanée peut se lire comme son propre journal, romancé, puisque Gabrielle Filteau-Chiba s’est bel et bien isolée plusieurs années dans une cabane au fond des bois qui, de son propre aveu, était tout autant refuge que prison.

Les contraintes, dans cette cabane, en plein hiver, sont nombreuses. La narratrice semblait les avoir sous-estimées, au début de son projet. Dans ces pages, le rapport au froid (qui peut précipiter les hallucinations et la folie) et à la solitude (au point de prier pour l’apparition d’un corps, d’un amant) est décrit de façon délicate et très juste. Agrémenté de listes en tout genre (par exemple, ces « phrases pour ne pas sombrer dans la folie quand tu as froid »), ce journal de bord a parfois des accents comiques, comme si l’autrice cherchait à se rassurer tandis qu’elle doit survivre dans ces conditions extrêmes. Malgré toutes ces difficultés, le choix de vivre ainsi, dans le dénuement et la sobriété, n’est jamais remis en cause par Anouk, la narratrice.

Elle n’a pas de mots assez durs pour ce qu’elle a quitté – la ville, le bruit, la dépossession de son humanité, cette impression de voir sa vie défiler sans pouvoir faire grand chose pour en arrêter la course folle, comme une spectatrice de son propre destin. Nous rêvons tous de suivre Anouk dans son choix. Nous rêvons tous de nous réfugier au plus profond de nous-mêmes, dans une cabane comme la sienne. C’est pourquoi la lecture de ce récit vibre tant en nous. Cette connivence entre l’autrice et son lecteur permet de nous réchauffer – après tout, on peut combattre le froid avec des couvertures de laine, mais on ne peut combattre la bêtise de l’Homme et son absurde besoin de performance comme unique moyen d’exister.

Un jour, quelqu’un apparaît devant la porte de la cabane. Un homme en fuite cherche refuge. Il ne faut pas beaucoup de temps pour comprendre que cet homme est recherché pour des actes de sabotage. On pourrait parler d’éco-terrorisme, mais la démarche consiste plutôt à ouvrir les yeux des citoyens sur les compromissions de leurs dirigeants, pour qui la protection de l’environnement n’est qu’un slogan de campagne, jamais une conviction. La bucolique – quoique difficile – vie dans les bois d’Anouk devient un combat politique, militant, en faveur de l’environnement. Après l’isolement de la première partie du livre vient le combat de la seconde.

Résonne alors le roman de Marie-Eve Sévigny Sans terre, paru au Mot et le reste l’an passé (souvenez-vous, je vous en parlais ici), qui évoquait les actions coups de poing en faveur de l’environnement. Résonne également le roman d’Elise Turcotte L’apparition du chevreuil, où il était question de fuir le monde abruti par la haine pour s’installer en marge, loin de tout (j’en parlais ici).

Résonne aussi, surtout, (nommément puisque Anouk le cite à la fin du livre) Thoreau et sa Désobéissance civile, Thoreau et son Walden – eux aussi disponibles aux éditions du Mot et le reste, question de cohérence.

Alexandre

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Gabrielle Filteau-Chiba

Le Mot et le Reste

118 pages

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Chroniqueur

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