Le dernier livre du poète Nicolas Richard provient d’un texte réalisé lors d’un atelier à destination de personnes allophones pour une commande de l’Espace Khiasma. Il reprenait les hymnes nationaux choisis par les participant-e.s. Dans Déchanter, la thématique de l’hymne national y est savamment décortiquer par une élaboration en cut-up et montages textuels. Cet impressionnant travail permet de réaliser que la composition d’un hymne est souvent basée sur des critères autoritaires et guerriers. Nous avons toustes connu ces débats sur la question de la cruauté de La Marseillaise sans véritablement se pencher sur l’ensemble des hymnes nationaux existant.
Nicolas Richard, par ce méticuleux travail poétique, dépèce les hymnes pour n’en garder que cet absurde rapport violent au monde. Il suffit de regarder l’index pour se rendre compte du caractère douteux des thématiques des hymnes nationaux. Les injonctions à la virilité et au dévouement ultime ne laissent place à aucun doute sur une vision autoritaire du territoire et des peuples de la part des auteurs de ces hymnes (il n’y a que des hommes cités parmi « les poètes professionnels »). Il y a bien parfois des notions d’émancipation et de lutte contre les oppressions coloniales (une section y est dédiée), mais c’est très souvent une incitation à la violence.
Le montage que réalise Nicolas Richard démontre du caractère profondément violent de l’hymne national. La plupart furent créées à une époque où la poésie était un outil de domination plutôt qu’une ouverture au monde. Déchanter met en avant l’essence de l’hymne pour y dénicher son absurdité, à l’image de cette série d’injonctions qui résonnent ici comme des cris d’un chefaillon de fortune lancé à sa troupe. Si l’hymne national est un chant fédérateur, Nicolas Richard nous fait justement Déchanter. Il déconstruit ces attributs nationaux, lourds du passé autoritaire et patriarcal des différents pays.
Il y a différentes façons de lire Déchanter. Nous pouvons le lire en survolant les répétitions qui peuvent compliquer la lecture. Mais nous pouvons aussi lire à la lettre et à voix haute, ce qui révélera la puissance orale de ces textes. Depuis son premier recueil intitulé Peloton, Nicolas Richard travaille beaucoup sur cet aspect et propose des mises en performances et des créations sonores. Déchanter peut se concevoir alors comme le point de départ d’une multitude de variations extra-littéraires. Ce n’est donc pas simplement un livre où le/la lecteurice constatera que le temps de la poésie officielle au service des nations guerrières doit être révolu à jamais.
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