Patrice Luchet s’est lancé dans une série de nouvelle poétique qui va paraître aux Éditions L’Ire des marges. Elle est intitulée Tout un peuple. Elle raconte la vie d’une classe de collège le long d’une année, mois après mois. On voyait déjà dans le volet de septembre, intitulé La rentrée de Tout un Peuple, cette dignité rendue à ces jeunes qui forment un groupe le temps de l’apprentissage. Et le narrateur disait toute son admiration et son affection pour ce peuple-là, sans jamais tomber dans la démagogie ou dans la caricature. C’était comme une invitation à découvrir chaque élève, décrit avec respect. Ainsi, Au funérarium poursuit ce récit et met en lumière l’incroyable dignité rendue à celleux qu’on considère trop souvent avec mépris, du haut de notre stature d’adulte civilisé.
Au funérarium raconte la cérémonie de crémation de l’un des membres de ce peuple. Nous sommes au moment le plus tragique que peuvent connaître des élèves. L’émotion qui en ressort n’est pas un chaos larmoyant où chaque élève se perd dans la tristesse. Ce peuple-là fait face au drame avec respect. Iels se soudent, s’accompagnent et Patrice Luchet restitue leur incroyable résilience. Si Au funérarium n’est pas la suite directe du premier volet de Tout un Peuple, il propose néanmoins de poser une chose importante, la dignité que l’on doit percevoir chez elleux. Le poète doit lui aussi ressentir cette émotion dans son expérience professionnelle puisqu’il enseigne dans un collège.
La poésie de Patrice Luchet est comme un fil que l’on suit, sa fluidité s’absorbe et laisse entrevoir le vibrant de l’histoire racontée. C’est une poésie transparente, sans effet complexe et tenant une note juste face au récit. Tout le monde peut lire Tout un Peuple, cette série de nouvelles n’est pas réservé à une élite cultivée. Chacun-e d’entre nous pourra être sensibilisé-e à ces jeunes filles et garçons qui démontrent d’un courage et d’un respect que l’on ne leur accorde pas souvent. Au funérarium a un message clair, celui de la réhabilitation d’une jeunesse bien plus proche du réel que certains adultes. Patrice Luchet utilise son écriture pour nous transmettre leurs vécus, avec une humilité salvatrice.
Car Patrice Luchet n’apparaît pas dans Au funérarium. Il laisse la lumière sur le groupe d’élèves et lui redonne un sens. La publication de Tout un Peuple s’étalera sur deux ans et demi dans la collection Vies minuscules des Éditions L’Ire des marges. Au funérarium nous invite à accompagner ces élèves, nous les rendant redoutablement attachant. C’est impressionnant de se rendre compte que cette nouvelle n’est qu’une facette du projet de Patrice Luchet, car il y condense déjà un regard si juste et si nécessaire pour reconstruire notre lien avec la jeunesse. Le poète autant que l’enseignant semble vouloir combattre toute forme de condescendance et redonner du respect pour ce peuple en devenir.
32p
Adrien
Bandeau : Feliphe Schiarolli / Unsplash