En 1960, dans le fameux double numéro de ACE, numéro D-421 , en compagnie de John Brunner et de son « Slavers of space » est publié le septième roman de Philip K Dick. Il s’agit ici de la réadaptation/révision/ transformation d’une de ses nouvelles qu’il avait publié en juin 1954 à savoir « Time Pawn ». Retour chez Ace pour démarrer la nouvelle décennie, et un roman résolument tourné vers l’avenir et ses craintes, voici le dystopique Docteur Futur.
Son roman est sorti en France en 1974, chez l’éditeur Librairie des Champs-Élysées, sous le titre « Le voyageur inconnu », avec une magnifique illustration de Paul Lehr. La traduction est déjà de Florian Robinet et n’a pas connu de correction depuis. Quant au titre « Docteur Futur, »il faudra attendre la publication au Livre de poche en 1988.
Jim Parsons est un médecin, il est d’ailleurs un des plus doués de sa discipline. Thérapeute hors pair, il va trouver sa vie totalement chamboulée le jour de son accident de la route. Rien ne sera plus comme avant. Jim se réveille ailleurs, loin, très loin…dans l’avenir !
Qu’est-ce qu’un homme du « présent » fait dans le futur, comment comprendre ce nouveau monde qui est le sien, mais plus loin dans le temps. Comment comprendre cette langue, une forme de mix entre plusieurs, simplifié par des aspects, vernaculaire par d’autres. Et surtout comment analyser ce rituel tournant autour de la mort, ou la mort est presque un « jeu ».
Ce roman pose problème, le sujet est bon, l’idée de départ intéressante et pertinente, il y a tout pour faire un bon Philip K Dick, mais ça prend difficilement des longueurs par-ci, de la précipitation par-là. Même, nous pouvons deviner, à travers les lignes, un auteur agacé, pressé, se cherchant et tournant en rond autour d’une idée.
Et puis il y a cette particularité…
Il est intéressant de noter la particularité du titre en version originale « Dr Futurity ». La traduction Française, à défaut d’avoir un équivalent juste, se trouve être partiellement fausse. Le « Futurity » est en français la Futurologie. Il s’agit d’une discipline pluraliste qui a pour finalité d’anticiper des avenirs possibles, en s’appuyant sur plusieurs données actuelles. Nous pouvons notamment en déduire, par analyses statistiques des évènements historiques, des tendances quant à de probables avenirs. Ici, le Docteur « Futur » n’est pas un médecin, ici le Docteur “Futur” est Philip K Dick.
Ainsi, son roman transcende le cadre de la Science-Fiction pour devenir un exercice de pensée, où par l’analyse du présent, Philip K Dick se permet d’en déduire un avenir désabusé et anxiogène, où toutes ses craintes se materialiseraient. Nous pouvons parler ici de roman d’anticipation, ou encore de dystopie post-moderne, mais il serait plus juste de parler d’autofiction, tant le regard de Jim Parsons, sa compréhension et le monde dans lequel il arrive parle de PKD.
En conclusion, je dirais de Docteur Futur, qu’il s’agit ici d’un objet à part. Que l’on pourrait prendre pour un récit moyen, une histoire à la Rollerball, dépaysant, mais sans ambition. Mais ce serait rater ce que dit le texte de l’auteur, et du regard de ce dernier sur notre civilisation. Car ici l’analyse et ce que Philip K Dick à a dire est entre les lignes, dans les silences, derrière chaque phrase. Le roman se lit, puis se digère, et doit se comprendre avec un regard critique non pas sur l’oeuvre, mais sur le propos et sur ce que ce dernier dit de nous.
Éditions J’ai Lu,
Trad, Florian Robinet,
222 pages,
Ted.