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Becky CHAMBERS – Un psaume pour les recyclés sauvages

Alors que nous vivons une époque assez particulière, une alternance de tensions, de pandémies, de crises diverses et variées, la culture peut agir comme une échappatoire pour l’esprit. Mais pas que, bien plus que cela même, la culture a le potentiel pour nous ouvrir les yeux et nous permettre de concevoir le présent différemment, et soyons fous, d’envisager des futurs.

Bien que quasiment l’ensemble de la production actuelle en littérature de Science-fiction se montre plutôt pessimiste, force est de constater que depuis quelques années, une vague d’auteurs et autrices s’évertuent à construire des utopies s’intéressant, souvent, aux possibles d’une après catastrophe.

Parmi eux, il y a cette voix singulière et passionnante qui est celle de Becky Chambers. Depuis une dizaine d’années, l’autrice construit des univers romanesques s’articulant autour de l’espoir. Consacrée comme « Ultime espoir de la science-fiction » par le magazine américain The Wire, l’autrice avait beaucoup fait parler d’elle avec son premier volume de sa série « Les Voyageurs », à savoir « L’espace d’un an » puis sa suite « Libration » remportant les prix Julia-Verlanger et Hugo.
Un espoir qui dépasse la fiction et se caractérise aussi dans son mode de vie, au quotidien ou dans ses engagements.

En 2022, nous découvrons le premier volet de sa nouvelle série, “Histoire de moine et de robot”, qui sort ce mois-ci aux éditions l’Atalante, dans la prestigieuse collection « La Dentelle du Cygne » avec une traduction subtil et élégante de Marie Surgers : Un psaume pour les recyclés sauvages.

« Quand on a grandi dans les infrastructures humaines, il est difficile d’intégrer le fait qu’on voit le monde à l’envers. Même si on sait pertinemment qu’on vit dans un monde naturel qui existait avant et perdura bien après nous, même si on sait que la nature est l’état naturel du monde, qu’elle n’existe pas seulement dans des enclaves bien entretenues, que la nature n’est pas ce qui se développe dans les secteurs délaissés par les humains; même si on se croit en harmonie avec le flux et reflux, le cycle, l’écosystème brut, on a du mal à imaginer un monde intact. On a du mal à concevoir que les constructions humaines sont conquises sur la nature, qu’elles s’y superposent, que les lieux humains existent dans les interstices de la nature et non l’inverse. »

Sur une planète, similaire à la nôtre, les humains se relèvent de la surenchère industrielle et un nouveau modèle de société a vu le jour. Concentrez ainsi la plupart des habitants dans des mégalopoles, une grande partie de la planète fut laissée à l’abandon pour permettre à la nature et à sa biodiversité de se régénérer et prospérer là où les humains n’ont plus le droit d’aller. En parallèle de ce changement de cap, les robots, ayant acquis une intelligence poussée, ont fini par obtenir des droits équivalent aux humains et sont partis vivre sur la partie de la planète ré-ensauvagé.

Nous suivons, dans ce monde se nommant Panga, un moine de thé nommé Dex. Sorte de serveur ambulant, se rendant de lieu de vie en lieu de vie pour offrir un moment de bien-être aux habitants. Mais Dex s’ennuie, et surtout iel voudrait entendre au moins une fois dans sa vie le bruit des grillons, retrouver une connexion à la nature. Une aventure qui va le mener en forêt, là ou l’humanité ne va plus, et la conduire à une rencontre d’un robot curieux de l’espèce humaine.

Comme dit plus tôt, il s’agit ici du premier volet de sa série, et une grosse partie du roman est là pour poser l’univers et son fonctionnement. Et c’est fascinant de détails et d’idée passionnante à comprendre. S’imposant comme une alternative brillante au capitalisme et à la surenchère de la consommation, Becky Chambers construit un monde qui se recentre sur l’essentiel, mais surtout replace le bien-être au centre de ce mode de fonctionnement. Ainsi, nous parcourons un monde rempli de douceur et d’harmonie sans jamais tomber dans une forme d’Utopie farfelue. Ici l’autrice construit avec ce que nous connaissons et maîtrisons déjà et qui bien souvent entre en conflit avec le fonctionnement capitaliste, car incompatible avec l’idée de compétition et de course en avant permanente.

L’odyssée du moine et du robot est aussi un prétexte à l’émerveillement, au temps de vivre et à l’épanouissement par l’échange, le partage et l’écoute. Et ça fonctionne totalement, trop rarement, nous avons l’occasion de nous émerveiller à se point à la lecture d’un roman.

Sans trop en dire, il faut s’aventurer sur Panga, rencontre les protagonistes, écouter leurs discussions et digressions, nous devenons témoins de cette merveilleuse utopie qui veut avant tout nous faire du bien.

« Un psaume pour les recyclés sauvages » est une franche réussite et la promesse d’une aventure qui apportera autant la matière à réflexion et bien être. Becky chambers est définitivement à part dans la grande famille de la SFFF, proposant encore une fois un texte se voulant fin et optimiste. Une réussite !

Éditions L’Atalante,
La dentelle du cygne,
Trad. Marie Surgers,
136 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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