Un dernier livre avant la fin du monde WebZine Littéraire
Nous avions découvert, aux éditions La Fabrique, Kristin Ross au travers d’un premier texte collectif ( Démocratie, dans quel état ? – 2009), puis avec un premier livre passionnant sur La commune et les figures ayant gravité autour de cet évènement ( L’imaginaire de la commune – 2015). Ainsi dans un prolongement de sa réflexion alternant entre histoire, analyse et théorie, Kristin Ross revient en 2023 avec « La forme-commune » ( la lutte comme manière d’habiter), toujours aux éditions La Fabrique.
Essayiste américaine, professeure de littérature comparée à l’université de New York, spécialiste de la culture française. Kristin Ross s’est spécialisée sur la littérature et la culture française du XIXe et XXe siècle. L’autrice s’est notamment intéressée à deux phénomènes majeurs de notre histoire hexagonale, et ayant eu des répercussions en dehors de l’hexagone, à savoir la Commune de Paris ainsi que Mai 68.
Avec « La forme-commune », Kristin Ross prolonge ses recherches et ses réflexions autour du militantisme et de sa manière d’habiter ses contestions, en tenant compte de l’évolution des actes militants de ces dernières décennies. Partant de la commune, l’autrice, ici s’intéresse à des événements majeurs contemporains comme la Commune de Nantes, le Larzac, Notre-Dame-Des-Landes en France, ou encore Sanrizuka au Japon.
Ici l’autrice ne s’intéresse pas temps à la contestation, qu’à la manière de réinventer une société et l’habité à une échelle locale. Une manière de construire un modèle sociétal en marge du capitalisme et du tout béton, où notre lieu commun (habité et sauvage) reprend un sens entier et plein. Une manière d’agir entrant en résonnance avec les enjeux et défis de notre société du 21e siècle et de l’anthropocène en marche.
Ainsi tout au long de son essai, Kristin Ross questionne la modernité du tout libéral ( sic) et s’intéresse aux formes et aux manières que cette dernière à de disqualifier et de tenter de rendre obsolète ou absurde toute pensée alternative. En s’appuyant notamment sur les travaux de Bernard Lambert, l’autrice déploie toute une réflexion autour de la nécessité de faire avancer main dans la main paysans et ouvriers.
Et toute l’intelligence de Kristin Ross, est dans le cadre de ses exemples, et tout en développant son idée, en réussissant à tendre sa réflexion autour de l’aliénation capitaliste, notamment l’aliénation du travail, dans une réflexion inspiré par les travaux d’Henri Lefebvre et Karl Marx.
En bref, comme vous vous en doutez, militant ou simple curieux, « La forme-commune » de par son accessibilité et par une écriture d’une grande fluidité, propose un tour d’horizon complet et riche, entre cas concrets, témoignages, récits et idées. Un « melting-pot » des possibles partant de constats et tendant vers toujours plus de raisonnements et d’opportunités d’actions s’inscrivant dans une désobéissance civile commune, comme réponse à toutes formes d’enjeux industriels ou étatiques qui ne prendrait pas en compte les enjeux actuels de notre société à l’ère du réchauffement climatique et d’une oppression qui grignotent chaque jour un peu plus nos libertés individuelles et collectives.
Au-delà d’une analyse pertinente sur des cas concrets et des pistes de réflexions/solutions à suivre, nous ressortons de ce petit livre avec une forme d’optimisme. Rarement, un livre de par son propos aura réussi à porter en son sein une certaine accessibilité du militantisme, offrant au-delà de toute conception purement théorique, cette idée que les actes naissent dans l’impulsion individuelle pour venir raisonner dans un geste commun qui se crée de la rencontre et du dialogue. Après tout, la « forme-commune », au delà de sa définition « stricto sensu », ne serait-elle pas ce glissement vers toujours plus d’empathie, d’écoute, et de bon sens.
Éditions La Fabrique,
157 pages,
Ted.
