Les éditions du Tripode lancent le beau projet de la republication des œuvres complètes de Mathieu Belezi, auteur nomade dont le premier roman, Le Petit roi, raconte d’une écriture âpre et furieuse la détresse d’un gamin à vif.
À l’aube de l’adolescence, Mathieu se retrouve brusquement confié à son grand-père maternel. Passant de la ville, synonyme de conflits familiaux brutaux, à la campagne où il apprend l’impartialité des saisons, le jeune garçon découvre un nouveau rythme à sa vie où se mêlent l’éclosion des désirs et la rage sourde qui bouillonne en lui.
La fuite de cette mère abandonnant son fils unique pour parcourir le monde ne fait qu’en accroître les meurtrissures intimes, dont il ne sait que faire. Ses paysages intérieurs se heurtent alors à l’amour simple de son aïeul et à la ronde placide des jours. Entrecoupé des souvenirs à vif où explosent en boucle les disputes de ses parents, le quotidien de Mathieu s’articule peu à peu autour d’autres habitudes, comme autant d’exutoires à ses souffrances. Martyrisant les plus faibles que lui, il rabat sa colère sur les animaux ou sur ses camarades de classe tout en s’entêtant à grimer son abandon en un mensonge aux arrêtes tranchantes.
Mathieu Belezi cisèle des ambiances tour à tour sombres et à la luminosité aveuglantes, se positionnant sur le fil tendu des désillusions du garçonnet. Placé à la frontière ténue entre enfance et adolescence, Mathieu pense trouver une échappatoire à ce maelstrom de sentiments qui le rongent jusqu’à consumer l’innocence de sa jeunesse. Ces cendres émotionnelles contrastent avec son besoin viscéral d’amour et de chaleur qu’il retrouve entre les bras usés de son grand-père. Il semblerait que celui-ci soit le dernier et unique être auquel il accorde une confiance pleine et candide, et avec qui il peut laisser s’exprimer le petit garçon qu’il est encore.
Frontal, Le Petit roi possède une poésie sauvage révélant la plume intense de l’auteur qui compose le portrait d’une enfance écorchée sous fond de décor pastoral. Le jeune Mathieu se pense tout puissant et n’est jamais inquiété par les retombées de ses actes, se glissant dans l’âcreté d’une existence aux illusions perdues. Portrait enflammé où s’entrelacent détresse et amour, ce livre en clair-obscur dépeint l’intensité affolée d’un gamin désenchanté, brûlé par les étés assommants et les hivers mordants de la Provence, abîmé par la violence d’un foyer brisé.
Éditions du Tripode
128 pages
Caroline