On remet ça donc, pour la deuxième année en ce qui me concerne, me voici invitée à jeter un coup d’œil dans le rétroviseur et à faire le point sur l’année littéraire qui vient de s’écouler.
Pour ce top 5, et puisque la plus entière subjectivité est de rigueur, j’ai donc choisi des univers bien différents : de l’absurde (on ne se refait pas), Vesaas (toujours), du roman noir, une extraordinaire nouvelle et non moins extraordinaire pièce de théâtre. Chacun de ces textes, qu’il soit paru ou non dans l’année, m’ont enthousiasmée, et pour certains m’ont même profondément marquée. Je ne saurais que trop vous en recommander la lecture.
Lançons-nous :
Le chronométreur, Pär Thörn – Quidam
Un homme à qui on offre un chronomètre alors qu’il est enfant, se découvre une passion pour l’art de compter. Il en fera son métier et deviendra chronométreur. Le livre raconte l’ensemble de sa vie, notamment professionnelle. Véritable petit bijou de littérature de l’absurde, qui pointe avec humour l’aliénation au travail, la rentabilité à tout prix et la déshumanisation de nos sociétés, le chronométreur de Pär Thörn est assurément un des textes qui m’aura le plus enthousiasmée cette année.
Neige silencieuse,neige secrète, Conrad Aiken – La Barque
Ce livre est véritablement saisissant. Un texte court, mais incroyablement dense qui raconte, avec une admirable poésie, le basculement progressif d’un enfant dans la folie. La neige entendue par Paul, cette neige qui n’existe que dans son esprit, créé son monde d’illusions, dans lequel il se perd de plus en plus profondément. La nouvelle de Conrad Aiken, parue chez La barque, montre les territoires terribles et beaux qu’explore l’enfant, le délitement progressif des liens de communication avec le monde réel, jusqu’au basculement. Avec sa grâce troublante, son acuité quant à la façon dont il met en scène les désordres mentaux, le texte ne peut laisser indifférent.
Les oiseaux, Tarjei Vesaas – Plein chant
Un très beau classique norvégien dont la traduction française date de 2012, mais que j’ai découvert (trop) tardivement. Le roman raconte l’histoire de Mattis, un simple de d’esprit selon tous ceux qui l’entourent, un poète s’il en est. Il voit des signes dans une passée de bécasse, il parle avec les oiseaux à défaut de pouvoir communiquer avec les humains. Ouvert au monde, il en admire la beauté sans pouvoir l’exprimer et se heurte aux attentes et exigences des autres. Chef d’oeuvre incontestable de Vesaas, le livre dit la sagesse du simple face à sa condition de mortel. C’est un hymne à la fois à la beauté et la force de la nature, mais aussi aux fragilités de l’homme.
>> Pour découvrir plus en avant les Oiseaux de Vesaas c’est ici
Rêves, Wajdi Mouawad – Actes Sud
Un homme se lève et marche vers la mer. C’est tout. C’est simple. Et pourtant… Celui qui veut écrire l’histoire de cet homme qui marche vers la mer va devoir convoquer une à une les différentes instances qui le composent, qui sont à l’origine de son départ et de sa marche. Celui qui veut écrire va devoir plonger en lui-même, aussi profondément que faire se peut, pour extraire tout ce qui fait un texte littéraire, tout ce qui fait qu’un jour un homme s’est levé, et a marché vers la mer, et que cela doit être dit, et que cela doit être lu. L’écriture, l’abandon, la quête, le partage avec l’autre celui qui nous est étranger, l’universel… voilà les thèmes qui sont abordés dans la pièce de Wajdi Mouawad, avec une écriture dont la force et l’intensité laissent le lecteur/spectateur sonné.
>> Plus d’infos sur la pièce de Mouawad
Le blues de la Harpie, Joe Meno – Agullo
Voilà un excellent roman américain qui nous vient de la maison Agullo. Le Blues de la Harpie est une histoire de violence, d’impossible rédemption, d’Amérique profonde, d’amour et d’amitié. Un roman clair-obscur, tout en nuances et en tension, une intrigue extrêmement bien menée, des personnages véritablement incarnés et un œil aiguisé sur les mœurs de ses contemporains, voilà en résumé, les qualités du récit de Joe Meno. Une très belle découverte.