Un dernier livre avant la fin du monde WebZine Littéraire
” Tu es revenu pour de bon ?[…] ”
Il y a des romans qui intriguent. Une couverture de Jared Joslin, quelque part entre le festif et l’inquiétant, un auteur que l’on apprécie autant dans ses escapades littéraires que dans ses traductions kamikazes (qu’il réussi systématiquement avec brio dans les deux cas). Puis au-delà de l’histoire annoncée sur le quatrième de couverture, il y a un détail, trois fois rien, cette petite ligne :
” Mais le plus étonnant dans ces destinées, c’est qu’elles sont en partie véridiques : elles appartiennent à l’histoire familiale de l’auteur. ”
Une petite ligne, en fin de présentation qui insidieusement vient titiller notre curiosité.
Béni soit cette dernière.
Ainsi, l’aventure commence, comme une histoire du vingtième siècle. Pas dans le sens empirique, mais dans le sens de l’intime, du lien et du familiale. Il y a Emma, la chanteuse de music-halll, et ses trois époux décédés de manière dirons nous… Tragiques et Surprenantes, il y a Marie la mère de Jeanne, médecin qui quitte un beau jour mari (sur le front durant la Première Guerre mondiale) et sa fille (confiée aux grands-parents) pour une nouvelle vie en Amérique du Sud.
Autour s’articule de drôles de personnages, magicien, poète, morphinomane, banquier, etc… Puis il y a Jean, le père de Jeanne, le mari de Marie, puis d’Emma, il y a eu aussi Sira un temps, avec qui il aura eu un second enfant.
Le tout s’articule étrangement, par des rencontres, des dialogues, des lieux (Paris, Toulouse, Montevideo, Buenos Aires, Dakar, Nora-Banko), l’Histoire se déroule autour d’eux et en eux, et petit à petit se construit la trajectoire de Jeanne, parcourant le XXe siècle et se faisant la narratrice testamentaire de cette grande famille qui fut la sienne.
” Tu es revenu pour de bon ?[…] ”
” La chanteuse aux trois maris” est un roman profondément brillant et humain. Nicolas Richard, tout en nous plongeant dans le rocambolesque et le romanesque de sa narration, nous touche comme trop rarement il est permis d’être touché par un texte. Il y a cette idée d’un ensemble de petits actes qui font un grand tout, une histoire, celle de Jeanne, parcourue d’éléments vécus et d’informations regroupées, mais peut-être encore plus de points d’interrogation en souffrance qui relient l’ensemble.
Ainsi, Jeanne en devient touchante, au début des années 2000, se remémorant cette période, évoquant les éternels absents (ses parents), se questionnant sur le parcours et le rôle d’Emma, et regardant depuis le recul que le temps lui a offert, cette solitude qui fut à de nombreuses reprises son alliée.
” La chanteuse aux trois maris” est d’autant plus touchant, pour sa narration, et la délicatesse déployée par son auteur pour ses personnages féminins. Ainsi, Nicolas Richard leur donne toutes leurs grandeurs et complexités, toutes leurs subtilités et leurs vraisemblances sans jamais tomber dans un travers de’ ‘regard masculin’ ‘ ( ce qui est bien trop souvent le cas hélas). Un modèle d’écriture dont devraient s’inspirer quelques-uns.
Que dire, que dire, que dire… Il y a cette question posée à Jean, lors d’une perm’, ”Tu es revenu pour de bon ?[…] ” cette question peut vous être retourné après la lecture du nouveau roman de Nicolas Richard, tant ce texte est plus que ce qu’il ne semble être.
” La chanteuse aux trois maris” est grandiose dans toute l’humanité, l’empathie, l’humour et la sensibilité qu’il contient. Il est touchant pour ce qu’il nous dit des trajectoires individuelles qui se croisent et font des familles. Enfin, il nous laisse une trace, qui fait que nous ne quittons pas vraiment son roman une fois fini. Du moins pas tout de suite.
Editions Inculte,
288 pages
Ted.
