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Bleu éperdument – Kate Braverman

Elles sont onze. Onze femmes à graviter entre Hollywood (le quartier) et Beverly Hills. Onze à essayer de décrocher, de l’alcool, de la drogue, de la clope, et à tenter de raccrocher le cours « normal » de la vie. Au tournant de la quarantaine, femmes, mères, filles, sur le fil entre l’abandon et l’amarrage, elles replongent dans leurs souvenirs ou se laissent déborder par les événements. Certaines ont grandi à la marge, sans père ou presque, avec des mères absentes car travaillant comme 4, conscientes de ne pas correspondre au standard et mises à part dès l’école, sachant que cette première clope et la cuite qui s’en suit est juste ce que l’on attend d’elles, qu’elles ne valent pas mieux. D’autres s’extirpent de cette mer de vodka dans laquelle elles coulent depuis si longtemps pour récupérer la vie qu’elles ont mises de côté. Souvent des enfants oubliés ou trop conscients, souvent un homme, qui les tirent vers le bas ou les manipulent, souvent une mère qui boit leurs forces, et en arrière plan l’au-delà, Hawaï, le vert de la jungle et le bleu de la mer.

« C’est le deuxième Noël sobre de Suzanne Cooper. Elle s’est familiarisée avec la voix de sa maladie, le choeur démoniaque dont elle use et le génie de ses tentatives pour l’anéantir. La voix en question sait se montrer tour à tour éloquente, brillante et séduisante. C’est le désastre toujours en éveil. »

Kate Braverman étale sa palette à coup de mots, et sa poésie nous transporte au coeur du gouffre qui habite ces femmes. D’une force transcendantale, d’une beauté à toute épreuve, chacune des nouvelles de ce recueil, loin du pathos et du glauque qui pourraient l’envahir, n’est que lumière, couleurs et vie, la vraie vie, celle qui fait mal, qui écorche. La dureté de ces histoires n’a d’égale que la luminosité de l’écriture, qui nous aide à transformer la violence des récits en un poème tragique et électrique.

« La nuit se levait. Les lumières s’intensifiaient, tout semblait peint dans les teintes fluorescentes du néon, un camaïeu de roses et de violets à l’air irradié. Elles arrivèrent à hauteur d’un magasin où l’on avait disposé des poinsettias de manière à former un arbre de Noël géant. La nuit entrait dans le registre du bleu. Elle ne tarderait pas à revêtir une sérieuse nuance de cobalt, froide et dentée. Il n’y avait pas une once d’innocence en elle. Diana saisit soudain que c’était à ce genre de bleu qu’on devait l’invention de l’électricité. Le bleu qu’on ne voulait pas croiser dans le noir. »

Mention spéciale personnelle à la nouvelle de milieu de recueil, Lumière temporaire, qui résume magnifiquement tant la poésie de la langue que la dureté, la folie de ces vies et l’émotion qui s’en dégage, sans pour cela avoir besoin d’en faire trop.

Ces vies de femmes au bord de la folie sont un morceau de ciel d’orage, de ce bleu électrique éclaté, indomptable, terrifiant et hypnotisant. Il ne faut pas rater Kate Braverman!
L’avis de Charybde 2 ici, celui de Fabrice Colin et enfin celui de Claro !

bleu éperdumentQuidam éditions
245 pages
traduit par Morgane Saysana

Marcelline

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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